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 Hommage à Michel SAILLARD

Michel Saillard est décédé le samedi 4 janvier 2020 et ses funérailles ont été célébrées au Centre œcuménique Saint Marc de Grenoble le 10 janvier en présence d’une grande foule d’amis.

Sa vie témoigne d’un parcours fortement engagé dans la foi en Dieu et dans l’accompagnement des êtres humains ses frères.

Encouragé par le P. Gabriel Matagrin, évêque de Grenoble, dans les années 1970, il a notamment collaboré longtemps avec le Centre théologique de Meylan (CTM) comme « animateur associé », intervenant sur des sujets bibliques qui lui étaient chers : Job, les Psaumes, les pauvres et les petits dans le Premier Testament, les Prophètes, le Cantique des cantiques, etc. Il est aussi intervenu sur les thèmes de la précarité, l’accueil de l’étranger, le conflit israélo-palestinien, etc.

 

Homélie prononcée par Philippe Mouy au cours des obsèques de Michel Saillard

 

    En proposant à la foule qui le suivait de gravir la montagne, Jésus lui a offert un moment de grâce. Un souffle tonique de paix et de bonheur a frôlé le visage de tous ces gens.

    En nous réunissant ici ce matin à l’écoute de cette parole du Christ déjà choisie pour votre mariage, Denise et Michel, vous baignez nos visages du même souffle de grâce et de paix.

    “Tout est grâce“ a écrit Michel en Avant-Propos de son récit “Au fil de l’eau“. Accueillons donc ces paroles de Jésus sur le bonheur comme un clin d’œil que Michel fait à chacun de nous, comme un cadeau qu’il nous donne en partage. Il est heureux que ces premières paroles officielles de Jésus parlent de bonheur : c’est essentiel pour vivre, non seulement personnellement, mais aussi ensemble, en société. On vous reconnait bien là, Denise et Michel. Et ça chante à nos oreilles et à nos cœurs. Alors recueillons la force de ces paroles folles du Christ, qui rejoignent tellement la manière dont, Denise et Michel, vous avez tenté de conduire ensemble votre vie, et qui rejoignent aussi fortement le désir le plus profond de chacun de nous.

- Ces paroles brillent comme du cristal, scintillantes, pleines d’éclats de vie. C’est tout Jésus lui-même. Elles résument toute sa vie : pauvreté, fidélité, pardon, justice, paix… Message d’amour et de liberté. C’est lui qui leur donne sens : il est passé devant nous, il a ouvert le chemin. Ces paroles désignent l’horizon de Dieu, qu’on appelle le Royaume. Elles éclairent notre avenir d’une ligne de feu.

- Ces paroles sonnent et résonnent comme du cristal : paroles directes, simples, qui vont droit au but. On ne peut pas les oublier. Jésus nous les lance comme un appel. Mais il nous faut bien les comprendre : doux mais pas mièvre, pacifique mais pas lâche, miséricordieux sans laisser tout passer…

- Des paroles fragiles comme du cristal, parce qu’elles sont remises entre nos mains humaines, toujours maladroites, incertaines, hésitantes, qui font trois gestes en avant et deux en arrière.

Pauvres béatitudes. Béatitudes de pauvres.

    Des paroles que Michel a saisies à pleines mains comme un manifeste. Il ne les a pas prises comme une leçon de sagesse, mais comme une révélation : vivre à la suite du Christ, comme le Christ. Dieu est là, chaque fois que nous choisissons les béatitudes. Elles projettent sur nous la lumière du Christ. Elles ne constituent pas un Himalaya de sainteté inaccessible, ni un bonheur inatteignable, mais un chemin d’humanité.

    Ces paroles nous surprennent parce qu’elles nous parlent de bonheur en contexte de manque ; mais précisément, parce que nous ne pouvons pas nous satisfaire du cours de choses et des événements. Pensons à l’audace de Michel contre la militarisation, à ses révoltes contre le traitement fait aux migrants, à ses cris d’injustice à propos de la situation faite aux Palestiniens, à son ardeur permanente pour servir des frères au Centre d’hébergement Ozanam, et combien d’autres combats. Michel savait en qui il avait mis sa confiance. Et cette parole de Gandhi, que lui a lancée un jour Jean Villecourt, qu’il n’a cessé de ruminer : “Oublie tes certitudes et tu deviendras plus fraternel“.

    “Heureux“ devrait se traduire : “En avant, en marche“. Parce qu’il s’agit d’un bonheur tiraillé, déchiré, parfois mêlé de larmes et de sang ; parce que rien n’est jamais acquis ; parce que la justice est une soif, la paix un travail, la consolation une espérance. “En marche avec les bâtisseurs de paix qui payent de leur personne“. On ne peut être heureux que si l’on va de l’avant avec des frères, pour des frères.

    Merci à Michel, qui, par sa vie, a montré que le bonheur n’est pas un droit de l’homme mais une promesse de Dieu : un Père qui nous donne une vie bien plus riche que les solutions toutes faites qu’on nous propose. “Qu’as-tu que tu n’aies reçu ?“ (I Co 4,7) concluait Michel en reprenant l’apôtre Paul.

    Vous avez entendu, après ces 9 paroles de bonheur paradoxal, cet appel : “Soyez dans la joie“. Trouve la joie celui qui est à sa juste place, celui qui tente de vivre ce bonheur paradoxal proposé par le Christ. Pour ma part, je garde la chance d’avoir connu Michel porté par sa “ligne de joie“. La vie avec Michel, ce n’est ni triste ni morose. Sûrement trouvait-il cette joie et cette assurance aussi dans l’eucharistie où il pouvait faire corps avec le Christ : “Heureux les invités au repas du Seigneur“, la dixième béatitude. Vivre avec le Christ est une fête qui nous maintient en marche.

    Alors Christ, au pied de notre croix que représente le départ de Michel, qui est aussi ta croix, aide-nous à ne pas fléchir et à continuer d’aimer, d’espérer malgré tout. Dis-nous qu’être fidèles à Michel, c’est vivre en portant en nous son visage et tous les désirs qui l’ont tiré en avant. Alors continuera-t-il de vivre, par ta grâce, par nous et avec nous.